Par un beau soleil d’été, vous vous engagez dans ce chemin toujours aussi pentu mais élargi, empierré, nivelé et déjà vous entendez des cris heureux de gosses qui s’amusent. Vous débouchez devant un magnifique bâtiment d’un étage, dressant sous son toit de tuiles rouges, ses murs blanchis de frais sur lesquels tranchent joyeusement l’avant-toit et les nombreux volets, rouge basque bien entendu. Un vaste terre-plein vous accueille, où vous pouvez contempler une partie de volley des plus acharnées.

Mais allons visiter les lieux.

D’abord poussons cette porte flambant neuf, c’est le réfectoire, quelle clarté donnent ces trois fenêtres, admirez la décoration de sol en ciment signé Paradol, et comme dans toute demeure moderne, la télé ! Voici maintenant la chapelle que masque ce vantail mobile ; à droite par cette porte, passons à la cuisine, rapidement, pour ne pas gêner, mais voyez tout de même au passage l’aménagement rationnel et le matériel moderne qui la compose ; cette porte à droite donne sous l’escalier extérieur montant aux dortoirs, nous irons tout à l’heure ; celle-ci en face s’ouvre sur un couloir qui communique avec la réserve, et plus loin à ce petit escalier qui accède aux chambres individuelles des cuisinières. Par ici, nous sortons sur la partie postérieure de la maison, voici la salle de douches et les WC ; cette petite pièce  au toit en terrasse qui semble rajoutée au corps principal, est le bureau de l’abbé, par cette large baie il peut surveiller jusqu’au fond de la prairie où sont dressées ces trois immenses tentes dortoirs.

Le corps de bâtiment est important, mais savez-vous qu’il faut recevoir chaque été près de 130 jeunes ?

Bien montons au premier. Le grand dortoir 60 lits ! à droite des petites chambres pour les moniteurs ; au fond à gauche, lavabos avec eau chaude, eau froide naturellement. Il faut redescendre, nous avons oublié au rez-de-chaussée l’infirmerie et la salle d’isolement.

 Alors qu’en pensez-vous ? N’est-ce pas une belle colo ?

 Hé bien, c’est le résultat d’un travail d’équipe.

L’équipe du patro, de ceux que l’on voyait souvent au foyer, de ceux que l’on voyait moins ou plus du tout.

Je passerai rapidement sur les milliers de kilomètres parcourus par notre abbé, sur les innombrables démarches qu’il a faites avec énergie pour secouer l’inertie administrative.

Savez-vous qu’à deux jours de l’ouverture nous n’avions pas encore l’eau et nous ne savions pas si les conduits étaient étanches !

Rapidement aussi sur les tonnes de briques, de ciment, de sable y compris celui qu’un camion enlisé dans le chemin a déversé sur place et que nous avons péniblement hissé à pied d’œuvre avec nos brouettes, sur les hectomètres de fils électriques, sur le nombre d’ampoules électriques, sur les mètres carrés d’ampoules aux mains, sur les kilos de peinture et sur les kilos perdus.

Mais je vous dirais que chaque week-end d’avril à juillet a vu partir de saint augustin, voitures particulières, cars ou camions chargés de gaillards pour lesquels le maniement d’instruments aussi rébarbatifs que pelles ou pioches n’avait plus de secret. Dans tous les yeux brillait l’espoir attendu toute la semaine de s’adonner sans retenue aux joies saines et fortes du terrassement.

Quelques dames, soigneusement choisies pour leur talent de cordon bleu et leurs aptitudes au camping, complétaient les expéditions.

Dès le départ, l’ambiance est créée, chants, rires, parties de tarot et les kilomètres passent inaperçus, et cette bonne humeur, rien n’a réussi à l’abattre et pourtant !!!

Les ennuis commencent à l’arrivée, représentez-vous débarquant le vendredi en pleine nuit, avides de trouver un bon lit, devant la masure sans toit ou si peu ; d’abord la lumière !

Le plus qualifié de l’équipe (capable dans  des conditions normales de brancher sur sa douille une ampoule en moins d’un quart d’heure) est promu chef électricien et chargé de faire les branchements.

Aux cris de «  au jus la dedans » il s’acharne à rafistoler tous les bouts de fils qu’il rencontre, à la lueur tremblotante et fumeuse de torches en journaux. Les épissures savantes se succèdent, après de longs efforts, toujours les ténèbres, il a simplement réuni les deux extrémités sectionnées du fil à étendre le linge ! A refaire ! Coulange où es-tu ?

Enfin hasard ou science, les fils idoines sont trouvés et l’aveuglante clarté de la poussiéreuse 25wattes fait clignoter les paupières rougies par la fumée des torches. Les lits de camp sont rapidement dressés dans les coins les plus abrités, les couvertures sont judicieusement réparties, autant et même plus pour obturer les nombreuses ouvertures que pour couvrir les lits, et tout le monde se couche.

Pendant quelques instants encore, les conversations se poursuivent parmi les rires, puis le ton baisse et tout s’endort

Mais j’essaierai dans notre prochain article de vous faire vivre l’ambiance formidable qui a régné durant ces dures journées de travail.

 

Avril 1961

 


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